La loi El Khomri, définitivement adoptée le 21 juillet, comprend un volet sur l’adaptation du droit du travail à l’ère du numérique. Y sont abordés les sujets de droit à la déconnexion, de télétravail et de l’utilisation des outils numériques dans le cadre du dialogue social.
La loi Travail reprend a minima plusieurs préconisations du rapport Mettling sur la transformation numérique (v. l’actualité n° 16915 du 17 septembre 2015) et du rapport Terrasse sur l’économie collaborative
(v. l’actualité n° 17016 du 10 février 2016).
Pour autant, un troisième rapport sur le sujet est attendu avant la fin de l’année. Le gouvernement devra en effet remettre au Parlement, avant le 1er décembre 2016, un rapport sur l’adaptation juridique des notions de lieu, de charge et de temps de travail liée à l’utilisation des outils numériques.
Création d’un droit à la déconnexion
À compter du 1er janvier 2017, la négociation annuelle « égalité professionnelle et qualité de vie » portera également sur les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la
déconnexion et sur la mise en place par l’entreprise de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale.
À défaut d’accord,l’employeur devra élaborer une charte, après avis des IRP. Ce document prévoira notamment des actions de formation et de sensibilisation des salariés à l’usage des outils numériques à destination des salariés et du personnel d’encadrement et de direction.
Ouverture d’une concertation sur le télétravail et le travail à distance
Une concertation nationale et interprofessionnelle doit s’engager, avant le 1er octobre 2016, sur le développement du télétravail et du travail à distance. Les partenaires sociaux pourront, s’ils le souhaitent, ouvrir une négociation sur ce sujet.
La concertation portera aussi sur l’évaluation de la charge de travail des salariés en forfait-jours, sur la prise en compte des pratiques liées aux outils numériques permettant de mieux articuler la vie personnelle et la vie professionnelle ainsi que sur l’opportunité et, le cas échéant, sur les modalités du fractionnement du repos quotidien ou hebdomadaire de ces salariés.
À l’issue de la concertation, un guide de bonnes pratiques sera élaboré. Il servira de document de référence lors de la négociation d’une convention ou d’un accord d’entreprise.
Utilisation des outils numériques par les syndicats
Le cadre légal actuel impose de conclure un accord d’entreprise pour permettre aux syndicats de diffuser des tracts ou publications de nature syndicale de manière numérique aux salariés de leur entreprise. Afin de faciliter le développement de la diffusion numérique de l’information syndicale, la loi Travail prévoit de supprimer, à compter du 1er janvier 2017, l’
exigence de conclure un tel accord.
Il sera toujours possible (mais plus obligatoire) de définir par accord d’entreprise les conditions et les modalités de diffusion des informations syndicales à travers les outils numériques disponibles dans l’entreprise. À défaut d’accord,les organisations syndicales pourront mettre à disposition des salariés des publications et tracts sur un site syndical accessible à partir de l’intranet de l’entreprise, lorsqu’il existe. Cette faculté sera réservée aux organisations syndicales présentes dans l’entreprise et satisfaisant aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance et légalement constituée depuis au moins deux ans.
Pour que cette diffusion ne perturbe pas le bon fonctionnement des entreprises, la loi prévoit, comme aujourd’hui, que l’utilisation des outils numériques doit :
– être compatible avec les exigences de bon fonctionnement et de sécurité du réseau informatique de l’entreprise ;
– ne pas avoir des conséquences préjudiciables à la bonne marche de l’entreprise ;
– préserver la liberté de choix des salariés d’accepter ou de refuser un message.
Dans la même logique, selon la loi Travail, l’employeur peut décider, en l’absence d’accord collectif, de recourir au vote électronique pour organiser les élections professionnelles. Actuellement, le recours à cette modalité est subordonné à la conclusion d’un accord d’entreprise ou de groupe le prévoyant.
Mise en accessibilité du poste de travail des salariés handicapés
L’employeur doit s’assurer, dans des conditions fixées par décret, que les logiciels installés sur le poste de travail des personnes handicapées et nécessaires à leur exercice professionnel sont accessibles. Il s’assure également que le poste de travail des personnes handicapées est accessible en télétravail.
Définition de la responsabilité sociale des plateformes en ligne
La loi Travail introduit, dans le Code du travail, un nouveau titre consacré aux travailleurs indépendants utilisant, pour l’exercice de leur activité professionnelle, une plateforme de mise en relation par voie électronique. Lorsque la plateforme fixe les caractéristiques et le prix de la prestation de service ou du bien vendu, elle a, à l’égard des travailleurs concernés, une
responsabilité sociale. Elle doit notamment prendre en charge :
– dans la limite d’un plafond, la cotisation du travailleur en matière d’accidents du travail, lorsque celui-ci souscrit une assurance ou adhère à l’assurance volontaire (excepté en cas d’adhésion à un contrat collectif souscrit par la plateforme) ;
– la contribution à la formation professionnelle.
Le calcul de ces cotisations et contributions sociales est effectué en fonction du seul chiffre d’affaires réalisé par le travailleur sur la plateforme. Ces dispositions ne sont toutefois pas applicables aux travailleurs dont le chiffre d’affaires est inférieur à un seuil défini par décret.
Enfin, le travailleur peut défendre des revendications professionnelles dans le cadre de mouvements de refus concerté de fournir le service, sans engager sa responsabilité contractuelle ou justifier de sanctions, sauf en cas d’abus. Ces travailleurs bénéficient également du droit de constituer une organisation syndicale et d’y adhérer.