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Allemagne : le « pacte numérique » signé chez Deutsche Bahn prévoit que les salariés bénéficieront d’une partie des gains de productivité obtenus dans le cadre de la transformation numérique
Par Thomas Schnee

Les partenaires sociaux de Deutsche Bahn, la société des chemins de fer allemands, ont signé, fin mars, un accord-cadre portant sur la numérisation de l’entreprise et sur les moyens d’établir une « culture durable de la transformation » au sein des équipes. Le nouvel accord pose comme principe l’obligation faite au management de l’entreprise de développer une collaboration précoce, étroite  et « d’égal à égal » avec les salariés et leurs représentants. Il établit aussi un « pacte numérique » qui implique que les salariés bénéficieront obligatoirement d’une partie des gains de productivité obtenus dans le cadre de la numérisation de l’entreprise. Enfin, il incite à développer l’entrepreneuriat dans l’entreprise, entre autres via « beyond1435 »,une nouvelle plateforme interne et externe pour l’innovation.
Pas de numérique sans nouveau pacte social. Deutsche Bahn poursuit coûte que coûte sa numérisation. Déjà, l’accord collectif « Travail 4.0 » (voir fichier-joint), signé fin 2016, apportait de nombreuses nouveautés dans l’entreprise (voir dépêche n°9969). Par exemple une évaluation commune au management et aux représentants des salariés des conséquences de la numérisation sur l’organisation du travail et les emplois, l’introduction d’un droit à la formation pour tous les salariés dont le métier ou l’activité évolueront ou disparaitront après la numérisation de leur activité, ou encore diverses dispositions sur le travail mobile et  la possibilité de choisir son lieu de travail, à condition que leur activité leur permette de travailler en dehors de l’entreprise.
C’est donc sur cette base que les partenaires sociaux de Deutsche Bahn ont négocié et signé, fin mars dernier, le nouvel accord-cadre intitulé « Maitriser ensemble le progrès et l’avenir » (voir fichier-joint). D’aucuns le qualifient de pacte numérique entre la direction de l’entreprise et ses salariés. En réalité, c’est un pacte numérique ET social. En effet, face au processus déstructurant (au moins dans un premier temps) et total de la numérisation du travail, l’idée centrale de l’accord est double. Il faut, d’une part, créer une capacité interne au changement perpétuel. Soit, en d’autres termes, une « culture durable du changement ». Et, d’autre part, il est impossible de réussir le pari de la métamorphose numérique si les salariés et la direction de l’entreprise ne travaillent absolument ensemble et en confiance. Ce qui, même dans l’Allemagne de la codetermination, ne va pas toujours de soi. L’accord-cadre approfondit donc le « contrat numérique et social» déjà esquissé dans l’accord « Travail 4.0 ».
Les négociateurs soulignent d’ailleurs clairement que les mesures annoncées vont au-delà de ce qu’exige la « Loi sur la constitution des entreprises » (Betriebsverfassungsgesetz) et, en quelque sorte, conduisent à un élargissement notoire de la cogestion dans l’entreprise puisque les représentants du personnel sont clairement invités à participer à la réorganisation de l’entreprise et de ses méthodes de travail, et ce, dès le stade conceptuel. Cette nouvelle vision est directement issuhe de l’expérience « Cogestion PLUS », fruit d’une initiative commune lancée il y a deux ans par la direction et le CE central de DB, et qui vise à adapter les règles de codétermination en vigueur au sein de l’entreprise aux nouvelles conditions de travail de la digitalisation, sans les affaiblir pour autant (voir dépêche n°10282).
Travailler ensemble autrement. Cet accord valable pour toute l’entreprise (190 000 salariés), filiales comprises, rappelle et pose les bases d’une coopération étroite entre management, salariés et leurs représentants. Dans un premier temps, il appelle toutes les représentations des salariés à répondre clairement et activement à l’invitation de l’employeur et à s’engager à ses côtés dans le cadre du projet global. L’accord rappelle le rôle essentiel et les capacités des instances de représentation pour mobiliser les salariés. Il est demandé aux salariés et à leurs représentants de se confronter au processus de changement en cours mais aussi d’accepter les mesures nécessaires, de formation notamment, pour maitriser ces processus. Pour améliorer la vue commune des partenaires sociaux, des formations communes des représentants des deux parties sont envisagées.
À l’engagement demandé aux salariés suit l’engagement demandé à l’encadrement et à la direction. Ceux-ci s’engagent à jouer totalement le jeu en traitant les représentants des salariés comme égaux et en les impliquant, dès le début, aux processus qui doivent être menés de la manière la plus transparente possible. Au cas où les choses ne seraient pas suffisamment claires, l’accord précise expressément que les représentants des salariés doivent disposer à temps de toutes les informations nécessaires pour assumer leur rôle de manière active. La direction et l’encadrement s’engagent par ailleurs à ce que les changements engagés respectent en tous points et à tous niveaux les lois sur la cogestion et l’organisation des entreprises.
La transformation numérique de l’entreprise impliquant de nouvelles méthodes de travail et de nouveaux rapports entre les différents acteurs hiérarchiques qui doivent être capables de mieux transmettre leurs savoir-faire respectifs, l’accord demande que de nouveaux instruments de direction, d’évaluation et de mesure des performances, adaptés à tous les niveaux (département, projet, etc.), soient développés et eux-mêmes réévalués selon les besoins. Alors que la cible qualitative ultime est d’installer « l’excellence comme philosophie de base », il est expressément demandé de se méfier du recours excessif aux éléments statistiques dans les méthodes d’évaluation.
Les mesures qui mènent au numérique. Les salariés de Deutsche Bahn seront équipés pour le passage au numérique. En 2018 et 2019, 60 000 d’entre eux recevront un moyen de communication mobile (smartphone/tablette) équipé des systèmes maison de communication. La direction de l’entreprise s’engage par ailleurs à ce qu’une partie des bénéfices et gains de productivité obtenus par la numérisation de l’entreprise leur soient directement « versés ». Ceci est un développement direct du droit à la formation, l’assurance qui leur a été donnée dans l’accord de 2016. Le texte précise néanmoins les formes et le contexte de « reversement ». Ces « gains » prendront des formes diverses (formation, offre santé, argent, temps libre, etc.). Mais leur octroi devra clairement être relié avec la digitalisation de l’entreprise. En clair, il n’est pas question de transformer ces contreparties en prime « anonyme » de fin d’année.
Le projet de passage au numérique s’accompagne d’un nouveau mode de management central des idées ainsi que d’un programme « d’entrepreneuriat interne » et d’une plateforme (Beyond1435) ouverte en interne comme en externe, et construite sur le modèle d’un incubateur d’entreprises. Si un tel dispositif n’est pas inconnu, le texte de l’accord souligne bien que sa mise en pratique doit être différente. À savoir qu’il ne s’agit plus de reconnaître une bonne idée et de la valider ou de l’honorer après son éclosion. Mais bien de travailler en amont et d’utiliser le dispositif pour faire éclore de nouvelles idées pas forcément toujours formulées. Ces idées ne sont pas uniquement des idées pour créer une start-up ou un produit. Ce sont aussi toutes les idées nécessaires à produire de « nouveaux mondes du travail », explique le texte de l’accord qui prévoit, à partir de la fin 2018, la constitution d’un groupe de travail commun pour évaluer très régulièrement le fonctionnement de l’accord et du dispositif, et les éventuels besoins de le réorienter ou de l’approfondir. Cet accord ne pourra pas être dénoncé avant le 31.12.2019.
 Planet Labor, 14 mai 2018, nº10673– www.planetlabor.com